18 (?) mars 1888
Ma chère petite Pauline,
[…] c'est bien vrai qu'il faut que la goutte de fiel soit mêlée à tous les calices. mais je trouve que les épreuves aident beaucoup à se détacher de la terre, elles font regarder plus haut que ce monde. Ici-bas rien ne peut nous satisfaire, on ne peut goûter un peu de repos qu'en étant prête à faire la volonté du Bon Dieu.
[…] O Pauline, quand Jésus m'aura déposée sur le rivage béni du Carmel je veux me donner tout entière à lui, je ne veux plus vivre que pour lui. Oh non je ne craindrai pas ses coups, car, même dans les souffrances les plus amères on sent toujours que c'est sa douce main qui frappe, je l'ai bien senti à Rome au moment même où j'aurais cru que la terre aurait pu manquer sous mes pas. Je ne désire qu'une chose quand je serai au Carmel, c'est de toujours souffrir pour Jésus La vie panse si vite que vraiment il vaut mieux avoir une très belle couronne et un peu de mal que d'en avoir une ordinaire sans mal Et puis. pour une souffrance supportée avec joie, quand je pense que pendant toute l'éternité on aimera mieux le Bon Dieu! Puis en souffrant on peut sauver les âmes Ah! Pauline si au moment de ma mort je pouvais avoir une âme à offrir A Jésus. que je semis heureuse! Il y aurait une Ame qui serait arrachée au feu de l'enfer et qui bénirait Dieu toute l'éternité. Ma petite soeur chérie, je vois que je ne t'ai pas encore parlé de ta lettre. qui m'a fait pourtant bien plaisir. O Pauline, je suis bien heureuse que le Bon Dieu m'ait donné une soeur comme toi, j'espère que tu prieras pour ta pauvre petite fille afin qu'elle corresponde aux grâces que Jésus veut bien lui faire; elle a grand besoin de ton aide car elle est BIEN PEU ce qu elle voudrait être.
[…] Céline t'embrasse bien. cette pauvre petite soeur a mal à un pied, je crois qu'elle ne va pas pouvoir aller aux Vêpres. Presque tout le monde est malade chez mon oncle; vraiment la vie n'est pas gaie, il est bien difficile de s'y attacher.
[…] Embrasse pour moi ma Mère CHÉRIE.